Par Helena Vallée Dallaire – Coordinatrice pour les programmes jeunesse

Depuis les dernières années, les avenues créatives sont de plus en plus empruntées afin de sensibiliser une audience plus large et diversifiée à la situation environnementale. L’art sous toute forme s’active, soit par son contenu, son message, ses composantes matérielles, ou encore l’orientation de ses revenus de vente.
L’efficacité de l’art pour passer un message et mener à l’action n’est pas négligeable et ne date pas d’hier; la trace physique de ces succès du passé meuble en partie nos musées.
Voici quelques exemples inspirants.
Le film
L’efficacité du film comme médium porteur de changement a fait ses preuves à d’innombrables reprises, à travers des titres tels que :
- Demain, le film de Cyril Dion réalisé en 2015 qui a généré une mobilisation citoyenne impressionnante
- An Inconvenient Truth, le film d’Al Gore qui a ouvert les yeux de millions de personnes sur l’urgence climatique en 2006
- The 11th Hour, documentaire 2007 de Leonardo diCaprio et Leila Conners qui a aidé à sauver une ancienne forêt tropicale.
Sans sortir du Canada, rappelons-nous l’Erreur Boréale, le film de 1999 réalisé par Richard Desjardins, qui a choqué en révélant au public québécois notre forêt dévastée par les coupes à blanc, résultant un changement de loi sur la gestion de nos forêts.
Ainsi que, bien sûr, le documentaire classique d’Alanis Obomsawin sur la crise d’Oka, Kanehsatake, qui capture la lutte de la Première Nation Mohawk contre la conversion de leurs terres sacrées en terrain de golf. Ce film touchant de vérité retrace l’histoire de déplacements forcés et du profond manque de respect envers la terre et ses peuples dont a fait preuve l’homme blanc, sans jamais apprendre de ses erreurs et de ses violences . On assiste honteusement à la froideur du capitalisme occidental et ses ambitions de destruction environnementale continue, face à l’esprit de peuples autochtones qui continueront à protéger la nature jusqu’à la fin, quelle qu’elle soit.

L’art visuel
Les artistes en art visuel intègrent la pensée écologique de plusieurs façons dans leurs créations. Surcyclage (upcycling), recyclage, récupération ou zéro déchets, on note un changement de cap par rapport à la source des matériaux utilisés: ces artistes s’assurent de produire le moins de déchets possible, ou de transformer des déchets existant en un objet esthétique de contemplation.
Les artistes récupérateurs de renom comptent parmi eux Tim Noble et Sue Webster, un couple anglais qui créent des sculptures à partir de déchets qui paraissent n’être que ça, jusqu’à ce qu’on les éclaire: elles projettent alors sur le mur des ombres d’un réalisme stupéfiant.

L’artiste Zara Forman, en s’en tenant au médium du pastel, a illustré une image de l’Arctique alors que la glace fond et le niveau des océans est en hausse. Son projet a été inspiré par ses vols d’avion, et souhaitait partager une vision de son hublot d’un lieu si lointain qu’il échappe aux considérations de la plupart des gens.

Basée au Canada et membre de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg, l’artiste multidisciplinaire Nadia Myre se démarque depuis plusieurs années à l’internationale pour ses oeuvres touchantes d’humanité, usant du pouvoir des différents médiums de fabrication traditionnelle autochtone pour parler de justice sociale, de protection environnementale, et de production culturelle. Le regard issu des pratiques autochtones sur le rapport entre l’humain et la production est riche de sagesse, et nécessaire en ces temps d’éducation écologique.

Laurence Deschamps-Léger a lancé un projet d’illustration de plantes locales.
Son projet Laucolo (pour «Laurence qui colorie»), permet de faire connaître les produits à consommer selon les saisons. Ses oeuvres, entre autres des carnets à colorier, contiennent des informations pertinentes sur les façons d’encourager les producteurs et productrices du Québec. Ainsi, elle utilise ses illustrations, élégantes et accessibles, afin d’encourager une consommation locale et responsable.

La performance
Du côté de la performance, l’artiste français Laurent Tixador est un chef de file en matière de projets ambitieux qui confrontent à la réalité environnementale. En 2018, il a entre autres créé une centrale hydraulique à partir de matériaux recyclés afin d’alimenter en électricité son exposition. Plus récemment, lors de sa résidence confinée à la maison forte de Monbalen, en France, il se lance dans la création d’une petite habitation utilisant les ressources contenues dans un rayon de 50 mètres.

Au Canada, l’artiste Tianna Barton, basée à Vancouver, a réalisé au printemps 2019 une performance intitulée “Waiting for the beach” (En attendant la plage) en s’installant en maillot de bain sur un trottoir alors que le temps était encore aux manteaux, comme si elle attendait que le réchauffement climatique et la hausse des océans transforme ce coin de rue industriel en plage. Un commentaire direct et efficace, qui a attiré l’attention dans les médias nationaux.

Le design
Le design biophilique s’est répandu dans les nouvelles constructions et les demeures au cours des dernières années. Ce type de design souhaite offrir des expériences que l’on retrouve en nature grâce à l’incorporation, notamment, de matériaux naturels, ainsi que de sources lumineuses et des vues sur la nature environnante, à l’intérieur de constructions. Le design biophilique permet un rapprochement de la nature intégré à nos espaces de vie et de travail. Il permet de nous reconnecter à des éléments naturels sans sortir de la pièce, ce qui augmente notre appréciation de ces éléments et peut contribuer à une sensibilisation à leur protection. Certains designs nous enseignent aussi certaines informations reliées à l’environnement où est posé le bâtiment, à son histoire. Vivre ou travailler dans ces espaces est beaucoup plus sain pour la santé, un reflet des bienfaits qu’apporte un contact avec nos environnements naturels. L’impact du design est subtil car il s’échelonne au compte-goutte des gens qui visitent un espace ou qui y demeurent, mais il est important car il a le potentiel de nous toucher au quotidien.

La musique
Plusieurs artistes ont offert en musique leur souci de l’environnement. Un exemple incontournable, datant de 1971, est Mercy, Mercy Me (The Ecology) du grand Marvin Gaye.
La musique est un magnifique médium pour nous reconnecter au monde naturel. Je pense à la trame sonore du film Koyaanisqatsi par Philip Glass, qui nous rappelle la beauté et la fragilité de cette Terre qui nous abrite. Koyaanisqatsi, film-culte datant de 1982, est en lui-même une oeuvre maîtresse du mouvement écologique.
Plusieurs artistes de la scène ont profité de leur popularité afin de prendre des décisions médiatisées pour la protection de l’environnement. En 2019, le groupe Coldplay a notamment annoncé qu’il ne partirait pas en tournée pour promouvoir son plus récent album, par souci environnemental. En France, le mouvement collectif The Freaks regroupe une soixantaine d’artistes qui s’engagent à changer leurs habitudes professionnelles et personnelles afin de les rendre plus vertes. Le groupe Massive Attack a même demandé de l’aide à des scientifiques afin de rendre ses tournées plus carboneutres.
Stanley Aneto, artiste Nigérien, chante la catastrophe environnementale afin de sensibiliser la population de son pays. Il croit au pouvoir de la musique elle-même pour répandre le message et générer une action collective.
Plusieurs artistes émergents s’inspirent de la nature de façon directe, en l’intégrant à leur son. Au Canada, Didacte nous connecte à la nature dans son premier album From Here to the Glade, un voyage sonore introspectif qui puise dans les sons naturels de la forêt canadienne, mêlés à des rythmes synthétiques, pour une écoute captivante.

Il existe une immense variété d’art et d’artistes qui ont réussi à faire avancer la conversation concernant la crise environnementale, conduisant dans certains cas à d’importants mouvements sociaux ou changements politiques, tant à l’ échelle locale qu’à l’international.
Ce petit article qui n’en présente qu’une poignée, connus et moins connus, a été conçu dans l’espoir d’encourager de nouvelles recherches et surtout d’inspirer: Les possibilités sont infinies lorsque passion, information et imagination s’unissent pour le changement.